50 ans de « Éden, Éden, Éden » de Pierre Guyotat
Parue le 9 septembre 1970, « Éden, Éden, Éden », l’œuvre de Pierre Guyotat, jeune auteur alors âgé de trente ans, a provoqué scandale, fascinations, admirations. Cette « fiction saharienne » sur la guerre d’Algérie est préfacée par Michel Leiris, Roland Barthes, Philippe Sollers, saluée par Michel Foucault ; censurée mais soutenue par une pétition internationale associant les voix de Joseph Beuys, Pier Paolo Pasolini, Pierre Boulez, Italo Calvino, Jean-Paul Sartre…
Cinquante ans plus tard, l’œuvre de Pierre Guyotat, qui nous a quittés le 7 février 2020, reste mythique. Elle constitue le point d’aboutissement de l’histoire coloniale hexagonale aussi bien que le point de départ d’une nouvelle histoire de la langue française, de la vision du présent, du passé et du futur.
Le 9 septembre 2020, l’Institut français de Grèce se joint à des partenaires de premier plan mobilisés par l’Association Pierre Guyotat, pour célébrer le cinquantième anniversaire jour pour jour de la parution d’« Éden, Éden, Éden ». Donatien Grau et ses pairs ont en effet conçu et coordonné un programme de cinquante lectures dans cinquante lieux en France et dans le monde. En savoir plus, cliquez ici
L’écrivain et historien de l’art Denys Zacharopoulos a été filmé sur la terrasse de l’Institut par le cinéaste Menelaos Karamanghiolis pendant sa lecture d’un long extrait de l’œuvre en français. C’est cet extrait filmé d’« Éden, Éden, Éden » que nous vous livrons, en forme d’hommage à son auteur.
Denys Zacharopoulos lit « Éden, Éden, Éden » de Guyotat sur la terrasse de l’IFG | Photo: M. Karamanghiolis
« Puisque dès sa création, l’IFG a milité contre toutes formes de censure, d’atteintes à la liberté, contre toute forme de conformisme, contre l’occupation nazie, contre toutes les dictatures, aux côtés du peuple, des écrivains, des intellectuels, il semblait évident de venir y rendre l’hommage à ce magnifique texte censuré pendant des années. Pierre Guyotat ne connaissait pas la Grèce mais son expérience du monde méditerranéen l’a toujours rapproché de ce pays des mythes, de la tragédie, de la lumière et de la liberté qui fondent la profonde insoumission de ses textes aux conventions littéraires pour les laisser s’enfoncer aussi loin que possible dans la langue même, presque de manière homérique, presque de manière homérique, avec autant de violence que de poésie. D’ailleurs le texte finit par une invocation à « Vénus voilée de vapeurs violettes », comme l’aube de l’Iliade ou le coucher du soleil qui fait surnommer Athènes la cité violette (μενεξεδένια πολιτεία) ».
Le film n’est qu’un hommage spontané à ce texte qui coupe le souffle pour nous transporter dans le désert vers une errance sans fin où seul l’humain subsiste et survit sans distinctions de race, de sexe, d’âge, de culture, seul par les liquides de vie qui conjurent la mort par ce phrasé ininterrompu qui constitue le flot de l’oralité et du désir.
Menelaos Karamanghiolis, cinéaste important qui précède la nouvelle vague de l’actuel cinéma grec et Denys Zacharopoulos, historien de l’art et écrivain, se sont employés à mener ce projet à bout de souffle et à se joindre au mouvement qui réunit 50 partenaires de par le monde pour honorer la mémoire de Pierre Guyotat et les 50 ans de la publication de « Éden, Éden, Éden ».
« Pendant trois couchers de soleil qui surplombent la ville, Denys Zacharopoulos lit le début d‘« Éden, Éden, Éden » en faisant des Athéniens les auditeurs de l’histoire dans sa langue originale et de Guyotat, témoin oculaire des moments secrets d’une ville imprévisible qui pourrait s’apparenter à un refuge des personnes du texte. »
Menelaos Karamanghiolis, cinéaste.
Pour l’hommage organisé par l’Association Pierre Guyotat, les lectures ont lieu en français, dans les traductions existantes (anglais, allemand, espagnol, néerlandais, japonais, russe…) ou traduites spécialement (arabe, hébreu, italien…). Elles sont individuelles ou collectives, et chacune est unique, pensée par et pour chaque lieu :